Segmentation de la parole chantée chez les nouveaux-nés

La segmentation de la parole est considérée comme une étape cruciale dans l’acquisition du langage. En effet, afin de construire son lexique et même avant de parler, le tout petit doit arriver à extraire les mots du signal continu de paroles et les mémoriser. De manière intéressante, la segmentation de la parole continue est facilitée lorsque des indices prosodiques comme des silences ou des accents toniques sont présents à la frontière des mots, ceci aussi bien chez l’adulte que chez le bébé. Par ailleurs, le bénéfice de la dimension mélodique contenue dans un signal de parole cette fois « chantée » sur la segmentation a été démontré, bénéfice clair lorsque les structures musicales et syllabiques sont en phases. Ainsi, les études précédentes montrent bien que la présence de plusieurs indices à la frontière des mots tels que les indices statistiques et prosodiques joue un rôle important dans la segmentation de la parole et donc dans l’acquisition du langage. Sur la base de ces travaux, nous avons développé un protocole expérimental au cours duquel les bébés étaient exposés à une phase d’apprentissage suivie d’une phase de test et cela dans 2 conditions, chanté et parlé.

Quel est le but de notre étude? 

Nous avons testé si le chant facilite la segmentation de la parole continue chez des bébés de 2 jours de vie et si cette sensibilité prédit leur développement linguistique à 18 mois.

Comment avons-nous testé ça ?

Nous avons mesuré l’activité cérébrale de 28 bébés sains de 2 jours avec un appareil d’électro-encéphalographie. Pendant la séance d’enregistrement, les bébés étaient endormis alors que des flux de parole continue étaient présentés depuis un haut-parleur situé en face d’eux. Dans deux conditions (parlée et chantée), la procédure consistait en une phase d’apprentissage de 3,5 minutes suivie d’une phase de test. Dans la condition parlée, toutes les syllabes avaient une hauteur tonale constante résultant en un flot continu et monotone de syllabes artificielles dans lequel le seul indice pour la segmentation était les probabilités transitionelles entre syllabes adjacentes. Dans la condition chant, chaque syllabe était chantée sur une hauteur tonale unique, résultant en un flux continu répétitif de mots tri-syllabiques chantés. Ce paradigme nous a permis de mesurer à la fois les modulations électrophysiologiques liées directement au processus d’apprentissage ainsi que celles liées à la détection d’erreurs, reflétant davantage le résultat de l’apprentissage. Finalement, nous avons également évalué le pouvoir prédictif de ces données récoltées à 2 jours de vie quant au vocabulaire expressif à 18 mois. Pour ce faire, nous avons suivi longitudinalement les bébés ayant participé à 2 jours et recueilli des mesures de vocabulaire expressif à 18 mois à l’aide du questionnaire parental « Inventaire MacArthur-Bates du développement de la communication» (MCDI).

Qu’avons-nous trouvé ?

Ces résultats sont les premiers à montrer le pouvoir prédictif des indices électrophysiologiques néonataux de segmentation de la parole sur le développement du vocabulaire expressif à 18 mois! Vous pouvez en lire plus ici: https://www.nature.com/articles/s41598-017-12798-2

Figure 1A

Figure 1A : Illustration du protocole expérimental utilisé chez les nouveaux-nés de 2 jours de vie. Après une phase d’apprentissage de 3,5 minutes (gauche), suivait une phase de test (droite) dans laquelle de nouveaux mots illégaux étaient présentés aléatoirement dans le flux continu. Les tracés violets représentent la hauteur tonale constante utilisée dans la condition parlée. Les tracés rouges représentent les hauteurs tonales variables utilisées dans la condition chantée pour les phases d’apprentissage et de test.

Figure 1B

Figure 1B : A) Dynamiques cérébrales néonatales collectées pendant les phases d’apprentissage pour les deux conditions et montrant le décours temporel des effets d’apprentissage. Réponse cérébrale évoquée par la présentation des pseudo-mots au cours de chaque moitié (trait plein = 1e moitié, pointillé = 2e moitié) des phases d’apprentissage et dans les deux conditions (parlée et chantée). Les topographies montrent la distribution de l’amplitude moyenne dans la fenêtre 200-500 ms pour chaque moitié des phases d’apprentissage. B) Réponses cérébrales néonatales collectées pendant les phases de test. Potentiels évoqués (électrode F3 ; N=26) par les mot légaux et illégaux (trait plein = mot légaux, pointillé = mots illégaux) dans les deux conditions. Les topographies montrent la distribution de l’amplitude moyenne pour les mots illégaux dans les deux fenêtres temporelles d’intérêt. C) Lien entre les réponses cérébrales néonatales dans les phases d’apprentissage et les mesures de vocabulaire expressif. Les diagrammes de dispersion montrent les corrélations entre le vocabulaire expressif (MCDI) et la dynamique cérébrale d’apprentissage pour chaque condition (moyennée sur toutes les électrodes). D) Lien entre les réponses cérébrales néonatales dans les phases de test de la condition chantée et les mesures de vocabulaire expressif. Les diagrammes de dispersion montrent les corrélations entre le vocabulaire expressif (MCDI) et l’amplitude moyenne de la différence (mots illégaux – mots légaux) pour les deux fenêtres temporelles (moyennée sur toutes les électrodes).

Nous remercions toutes les familles ayant participé à cette étude !

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